Edmond Lachenal : Une Vie Dédiée à l’Art, de la Céramique au théâtre
Édouard Achille, plus connu sous le nom d’Edmond Lachenal, est l’éclaireur de cette grande lignée de céramistes. Formé au sein de l’atelier des frères Deck, célèbres faïenciers-émailleurs, il s’épanouit en tant qu’artiste dans un univers de formes et de couleurs.
Né en 1855, Edmond choisit Châtillon pour se consacrer à sa passion pour la céramique. Il y installe son atelier aux côtés de sa femme et collaboratrice, Anna Le Cioarec. Ils créent ensemble une ligne d’assiettes et de plats qui témoignent de son héritage chez Deck.
Edmond Lachenal n’est pas seulement un céramiste, mais aussi un véritable chercheur. Il innove en créant un émail velouté par un procédé de métallocéramique par électrolyse. Ses créations, où le naturel se mêle au raffinement, sont rapidement plébiscitées, sa renommée atteignant les cercles les plus prestigieux de l’art français.
Cela lui permet de collaborer avec plusieurs artistes renommés, notamment Georges de Feure, Hector Guimard et Auguste Rodin. Ce dernier fait ainsi appel à lui pour la réalisation de deux de ses plus célèbres têtes en grès, celle de la Douleur et de Balzac.
Au cours de sa carrière, Lachenal participe à de nombreuses expositions, dont l’Exposition Universelle de 1889 et 1900, ainsi qu’au Salon de la Société nationale des beaux-arts et au Salon des artistes décorateurs. Ses œuvres présentées lors de ces expositions, comme la paire de vases en faïence crème ornés de branchages rouges en relief ou le service orné d’animaux pour Sarah Bernhardt, lui ont valu éloges et récompenses, dont une médaille d’or.
Jean-Jacques Lachenal : L’Innovateur Respectueux des Traditions
À l’aube du XXe siècle, Edmond Lachenal se tourne vers l’art dramatique, laissant son fils aîné, Jean-Jacques, reprendre les rênes de l’atelier familial. Formé dès son plus jeune âge à la technique du modelage et du tournage par son père, Jean-Jacques va faire honneur à son héritage, tout en impulsant un vent de nouveauté à l’atelier.
Dès la reprise en main de l’atelier, Jean-Jacques oriente sa production vers l’ornementation de la table, offrant à chaque service une identité propre et unique. Après la Première Guerre mondiale, Jean-Jacques montre une nouvelle facette de son talent en créant un atelier de céramique pour les blessés, initiative philanthropique qui connaît un grand succès.
Raoul Pierre Lachenal : Le Gardien de l’Art Familial
Le plus jeune des fils Lachenal, Raoul, ne déroge pas à la règle familiale et fait ses armes dans l’atelier paternel. Après avoir peaufiné sa technique du modelage et du tournage chez Janin et Guérineau, il revient aux sources, prenant en charge l’atelier de Châtillon et y apportant ses propres innovations.
Doté d’une sensibilité artistique et d’une audace technique qui le distingue, il oriente rapidement ses recherches vers des créations audacieuses et singulières. Il expérimente le procédé de coulage dans les moules, mettant en avant des grès flammés, des décors d’écailles et des motifs géométriques dans une polychromie subtile et discrète. Ses œuvres, souvent d’inspiration extrême-orientale, se déclinent dans des formes ovoïdes ou rectangulaires.
En 1911, il crée à Boulogne-sur-Seine une fabrique de porcelaine de grand feu, à laquelle il adjoint une production de faïence et de grès. Cet événement marque un tournant majeur dans sa carrière et son expression artistique. Il présente cette même année des pièces aux formes organiques, aux anses entrelacées, et aux décors gravés qui rappellent fortement le travail de son père vers 1900. Mais c’est sans compter sur sa capacité à se réinventer, à s’approprier ces influences pour les transformer en quelque chose d’unique.
Un de ses chefs-d’œuvre, un vase à anses tourbillonnantes, est une prouesse de design et de glaçure, où l’assemblage habile des anses autour du col et de l’épaule du vase insuffle une nouvelle énergie à un leitmotiv trop souvent utilisé de l’Art Nouveau. Mais ce qui donne vraiment vie à cette pièce, c’est la glaçure à haute température appliquée en épaisseur, dont la palette de teintes pourpres est aussi variée que les subtiles variations de profondeur sur la surface du corps.
Il renouvelle également le motif de la plume de paon, un thème qui remonte au Mouvement Esthétique anglais des années 1870. Grâce à des juxtapositions inattendues de zones mates et brillantes, les plumes disposées verticalement frisent l’abstraction et créent une relation complexe entre le motif et l’espace environnant. Une telle complexité optique défie la perception du spectateur face à une imagerie familière.
Son vase à col de trompette arbore une remarquable glaçure volcanique dont la surface craterisée est étonnamment fraîche, presque contemporaine. Ici, la juxtaposition délibérée d’une surface globalement cratérisée et d’une épaule en glaçure mate révèle une sensibilité aiguë aux effets de texture.
À la mort de Jean-Jacques en 1945, il retourne à Châtillon avec sa famille, dans l’intention de faire revivre l’atelier en continuant les fabrications, aidé par un collaborateur précieux, monsieur Lacoste.
Raoul Lachenal ne se contente pas de marcher dans les pas de son père, il crée son propre chemin, faisant un nom pour lui-même à travers des œuvres audacieuses et inventives, jusqu’à son utilisation marquante du pigment bleu égyptien, qui participe à la renommée de sa production.
Pour en savoir plus sur Edmond Lachenal, nous vous invitons à consulter l’article de Régine de Plinval de Guillebon « Edmond Lachenal émule de Deck » paru en 1995 dans Sèvres, la Revue de la Société des Amis du musée national de Céramique

